Vous avez dit « talent » ?

Temps de lecture : 8 minutes

Talent

Nouvelle locution à la mode dans les entreprises, utilisée à toutes les sauces RH et management, la notion de “talent” brasse une multitude d’acceptions quand elle ne se dilue pas dans un flou artistique.

A la décharge des entreprises de culture mixte, anglophone et francophone, cela est parfois dû à une confusion sémantique entre les acceptions française et anglaise du mot talent. L’acception anglaise étant plus large, plus variable contextuellement, elle domine et embarque l’autre, surtout dans les organisations qui revendiquent une dimension internationale.

Le mot, devenu «multiculturel» s’en trouve modifié et déteint abusivement sur les intitulés comme sur les discours en français.

Son usage étendu présente cependant des avantages : c’est une façon de valoriser en masse les spécialistes et les cadres supérieurs, en tant que populations. De leur faire savoir à peu de frais qu’on les tient en très haute estime.

Quelle que soit leur valeur individuelle réelle, ils font ainsi partie du groupe «des talents » méritant d’être pesés, soutenus et, éventuellement, promus.

Dans le droit fil de cette dérive, certaines organisations vont jusqu’à confondre tout simplement talents et aptitudes. Y compris en français. Il n’est plus nécessaire qu’il soit avéré, il suffirait qu’il soit pressenti, objet banal de supputations prospectives.

Qualificatif confortable, le mot talent s’applique alors comme un non-sens à des catégories toute-entières. Il fait désormais partie de la cohorte des innombrables formules détournées de leur signification réelle par le managérialement correct de la démagogie entrepreneuriale, qui affuble automatiquement des étiquettes de type bisounours au fronton des dispositifs les plus ineptes comme au front des managers les plus toxiques.

En être ou en avoir

Par essence, dans notre culture, le talent est plutôt rare, voire exceptionnel. A l’encontre d’une généralisation galvaudée, la notion mérite donc d’être redéfinie, recalée.

Le talent n’est pas une variable pouvant se décliner sur un curseur entre zéro et la perfection, comme le métier, la technicité, l’expertise, la compétence ou le savoir.  

On peut être un expert reconnu, être très compétent, avoir du métier ou être farci de savoirs sans avoir de talent. Il est donc d’une autre nature et/ou d’une autre dimension.Lire la suite

Circonscrire l’incompétence opiniâtre des nuisibles.

Temps de lecture : 13 minutes

Des préconisations concrètes.

Des leviers existent pour réduire significativement les comportements toxiques des nuisibles et leurs effets. L’autorité peut limiter leurs nuisances par une gestion drastique de leurs activités, et par des formes de relations efficaces.
La plupart d’entre eux, y compris de prétendus experts, organisent soigneusement leur incompétence, à la fois pour se débarrasser des travaux qui leurs déplaisent et pour entraver le système à leur profit. Cet article propose quelques remèdes à cet aspect de la problématique.
Il est extrait de l’ouvrage « Gérer les personnalités difficiles au quotidien » et fait suite à Identifier et gérer ses nuisiblesTypologie des nuisibles au travail et dans la vie. et  Echelle des niveaux de nuisance : de l’erreur au sabotage.

Illustration

 

Lire la suite

Délégation : Evaluez vos pratiques !

Temps de lecture : 13 minutes

On nous rebat les oreilles de la délégation. On nous dit régulièrement, en parlant des managers,  «  il faut les former à la délégation ». Ah bon, depuis le temps ne savent-ils toujours pas faire ? Est-ce si compliqué ?

Confusion délégation / autonomie.

A l’examen du problème, il apparaît que la « délégation » a le dos large : en fait les managers incriminés ne lâchent rien. Ils se mêlent et s’occupent de tout, interviennent à tout bout de champ dans les activités de leurs collaborateurs, tripotent à l’envi dans la moindre tâche, donnent leur avis, verrouillent les choix, mettent leur grain de sel (de sable ?) à toutes les cuisines.
Comme si toute l’activité leur appartenait, était leur terrain de jeu exclusif.
Comme s’ils savaient tout mieux faire que tout le monde.
Sous ce vocable syncrétique de « savoir déléguer » se cache donc souvent l’incapacité à organiser le travail, à délimiter ses propres missions, à exploiter les compétences et les intelligences des collaborateurs dans la réalisation de leurs propres attributions.

Ces formations qu’on nous réclame sont donc plutôt destinées à agir sur l’intention des managers de laisser leurs collaborateurs agir et s’exprimer pleinement.
Cependant, il arrive que le manager soit effectivement amené à confier, à un collaborateur, la réalisation d’un acte qui relève normalement de ses propres attributions. Auquel cas il s’agit bien de délégation. Comment fait-il ? En général il reproduit en l’occurrence son système de conduite habituel. Mais, comme il s’agit d’une tâche qui lui appartient, le manager interventionniste tend à :

  • Contrôler un peu plus intimement certains éléments en réservant des zones cachées dans les paramètres de l’opération.
  • Intervenir de façon anecdotique en cours d’exécution, sans nécessairement en informer le délégataire.
  • Considérer que l’autre doit savoir, penser, paraître et agir comme lui-même le ferait ; conformément à des évidences qui relèvent de ses traits de caractère particuliers (sinon c’est un imbécile…).
  • Simultanément se débarrasser des éléments qui l’ennuient, le contrarient ou qu’il ne saurait résoudre : à l’autre de s’en débrouiller soi-disant « pour montrer sa valeur ».
  • Pour finalement l’incriminer de tous les défauts possibles, y compris sur des critères non identifiés au départ, malgré la désinformation, les moyens absents et un mandat non annoncé à l’entourage.

Lire la suite

Echelle des niveaux de nuisance : de l’erreur au sabotage.

Temps de lecture : 13 minutes

Extrait de l’ouvrage « Gérer les personnalités difficiles au quotidien »
Cet article fait suite à Identifier et gérer ses nuisibles et Typologie des nuisibles au travail et dans la vie.

Analyse des pratiques sociales dégradées

Polo, le manutentionnaire de l’imprimerie, en a plein le dos.
D’habitude, c’est son chef qui lui crie dessus, mais aujourd’hui, même les copains s’y sont mis.
Quand on change le rouleau d’une des rotatives, tout le monde est mobilisé. La procédure est très précise et toutes les étapes de démontage, de manutention et d’installation doivent être respectées.
Après le démontage, Polo devait s’occuper d’une partie de la manutention du rouleau neuf avec le pont roulant. D’abord, le chef s’en est mêlé : « Mais enfin, Polo, c’est écrit en gros sur la procédure : doubles élingues ! Ca veut dire deux câbles, un pour lever, l’autre en sécurité… Bon ! Laisse ! Tiens, toi, Marcel, occupe-toi des élingues… »
Ensuite, Polo devait dégager l’allée centrale pour que le nouveau rouleau puisse être amené par le cariste entre les rotatives. Concentré sur sa manœuvre, celui-ci n’a pas vu qu’il écrasait la caisse contrôleuse de l’électricien… Là, c’est le chef et l’électricien qui s’en sont pris à Polo : — « On t’avait dit de dégager les allées ! »
Polo s’est défendu : « Vous aviez dit l’allée centrale, et pas toutes les allées… faudrait savoir ! Et vous n’allez pas faire toute une histoire pour une boîte à outils… »
Enfin, Polo devait rapprocher les rampes d’éclairage au-dessus du bâti ouvert. Comme il les a fait glisser un peu vite, deux rampes se sont percutées, et un tube de néon a explosé juste au-dessus de celui qui positionnait le rouleau. Là, tout le monde s’y est mis ! Polo a été écarté du groupe. En quittant l’atelier, il maugréait : « Non mais, qu’ils se débrouillent tous seuls ! Pourquoi ça devrait toujours être moi qui fais les sales corvées ! »

Le problème avec les nuisibles, c’est qu’il est très difficile de dépasser l’agacement mêlé au sentiment d’impuissance qu’on éprouve face à leurs dérapages. Pourtant, il serait utile de conserver son sang-froid et un minimum de recul pour trouver des clés dans leur fonctionnement, cela permettrait peut-être d’anticiper sur leurs comportements et d’y réagir de manière efficace.
En observant Polo, on peut penser que pour en faire autant, il faut qu’il y mette une certaine mauvaise volonté ; ses arguments sont absurdes, sa mauvaise foi incroyable ; il nous prend pour des ânes…
Est-il totalement innocent ou le fait-il exprès ? Il convient d’y regarder de plus près.Lire la suite

La formation en échec face à la pesanteur des « usages ».

Temps de lecture : 9 minutes

La plupart des entreprises continue à délivrer des formations sur un mode simplement didactique, sans prendre en compte les facteurs d’inertie des pratiques professionnelles réelles. Parmi eux, l’ « usage » est certainement le plus puissant.

Usage : la loi non dite et non écrite du comportement professionnel  

L’usage est un système de conventions informel qui détermine les comportements professionnels réels en situation de travail. C’est une sorte de règle non dite que tout le monde respecte néanmoins dans un environnement donné, pour une partie d’activité spécifique.

Lorsqu’un groupe d’acteurs se forme autour d’une activité dans un organisme, il adopte progressivement des habitudes de travail et de comportement pour toutes les parties d’activité le concernant. On fait les choses d’une certaine façon convenue, sans qu’il n’y ait jamais eu de débat précis sur le sujet. La règle, inscrite dans le semi conscient collectif, est intangible. S’en écarter provoque immédiatement une forte suspicion de l’entourage.
Dès lors, le modèle de comportement perdure en s’imposant aux nouveaux impétrants. Ceux-ci, afin de s’intégrer, s’efforcent de s’adapter aux coutumes locales. Ils s’en imprègnent spontanément autant que possible. En cas de déviation, ils sont rapidement recadrés de diverses manières, quolibets, plaisanteries, rappels à l’ordre en aparté, propositions d’aide, isolement, chicaneries, … La divergence est toujours douloureuse et entraîne dans tous les cas un retour forcé dans le rang.Lire la suite

Evaluez vos capacités d’autonomie et celles de vos collaborateurs

Temps de lecture : 11 minutes Cet article vient en contrepoint d’un précédent : Autonomie accordée au collaborateur : grille de lecture. Il est plutôt question dans celui-ci de l’autonomie dont on est capable en toutes situations, indépendamment des libertés qu’on nous accorde et de l’expertise dont on dispose.

Lire la suite

Les cinq autres dimensions de la compétence

Temps de lecture : 8 minutes

Une représentation très réductrice de la compétence prédomine encore largement dans le monde du travail.  Elle confond la compétence avec le savoir et/ou l’expertise purement technique relative à l’activité concernée.

Or, tout le monde sait que des « sachants » hyper pointus dans leur domaine peuvent se révéler être parfaitement incompétents dans la contribution professionnelle qu’on attend d’eux.

Les sous-titres

  • Confusion entre compétence et expertise
  • Les 6 dimensions de la compétence
  • Dimension opérationnelle
  • Dimension fonctionnelle
  • Dimension structurelle
  • Dimension relationnelle
  • Dimensions culturelle
  • Dimension hiérarchique
  • Démarches RH amputées
  • Recrutement et formation focalisés sur la technique
  • Management des compétences

Confusion entre compétence et expertise

La technicité ne suffit pas à la compétence, elle n’en est qu’un composant.

Une compétence est un “programme de conduite qui répond efficacement à une situation récurrente, précise, contextualisée, dans son intégralité.

Est compétent celui, qui déploie un comportement pertinent et efficace dans la réalisation d’une tâche ou dans le traitement d’un problème spécifique à son activité.
Cela signifie que :

  • sa conduite est adaptée à tous les paramètres de la situation,
  • son action est rapide, économe, optimisée,
  • il ajuste en temps réel son comportement aux variations et aux anomalies qui surviennent,
  • il est parfaitement autonome dans la réalisation,
  • sa pratique est conforme aux prérequis du métier et à la méthodologie de référence
  • le résultat de son activité satisfait les critères de performance définis pour l’objet.

Une compétence est en quelque sorte un fichier en mémoire, complexe, construit par l’expérience, que la personne peut exécuter à chaque fois que la situation se reproduit.

La technicité n’est  qu’un élément ressource de ce programme dédié. Il comprend nécessairement d’autres composants correspondant aux différentes variables du comportement professionnel mises en jeu.

Les 6 dimensions de la compétence

Ces variables sont de six natures :

  • opérationnelle
  • fonctionnelle
  • structurelle
  • relationnelle
  • culturelle
  • hiérarchique.

Pour chaque compétence répondant à une particulière, exprimée lors la réalisation d’un acte professionnel, on trouvera quasiment toujours à l’œuvre ces six dimensions.

Autrement dit, il n’existe pas de compétence strictement opérationnelle, qui ne fait appel à aucune des autres dimensions, ni de compétence purement relationnelle, et ainsi de suite.

D’une opération à l’autre, on constate des pondérations très différentes entre les six variables, mais il est rare qu’une d’entre elles soit totalement absente du programme comportemental.

On pourrait penser par exemple que pour la réalisation d’un tableau de reporting demandé par un manageur, il suffise de disposer des ressources techniques. Que les dimensions relationnelles, structurelles, culturelles et hiérarchiques n’ont pas grand-chose à voir là-dedans. Mais c’est exactement le contraire dans la réalité.

Dimension opérationnelle

Cette partie du programme mental régit les éléments de pratiques et de conduites s’exerçant directement sur l’objet de l’activité et sa technique. Il s’agit des composants de la compétence substantiellement liés à l’acte professionnel lui-même.

Par exemple,  elle permet à un vendeur de maîtriser la présentation de ses produits, l’organisation de ses tournées, la technique de vente, les entretiens avec les clients. C’est donc le domaine apparent de l’expertise et du savoir-faire.Lire la suite

Emploi : place aux vieux !

Temps de lecture : 12 minutes

Les recruteurs ne veulent pas des « vieux ». C’est désormais un automatisme « sociétal ». Quand on y regarde de près, il apparaît que les raisons financières et statutaires à ce rejet systématique sont en fait des prétextes. Ne pas recruter les demandeurs qui  entrent dans leurs quinze dernières années de carrière relève de préjugés du même ordre que la couleur de peau, les origines sociales, l’exclusion des femmes des postes de management ou le barrage à l’accès au management pour les maîtrises.

Hypocrisies

Ça fait partie des  trop nombreux partis pris de la gangue idéologique qui obscurcit et dégrade les critères du recrutement.

Encore une fois, c’est moins la bêtise propre des recruteurs qui en est à l’origine mais plutôt la pression diffuse s’exerçant sur eux de la part des managements commanditaires du recrutement.
Le phénomène mérite d’être interrogé, en tous cas du point de vue des demandeurs d’emploi. Il y a là-dedans à boire et à manger. Le démêlage des ressorts peut être utile à une révision des stratégies et des comportements de recherche t de candidature.Lire la suite

Analyse élémentaire de l’activité professionnelle

Temps de lecture : 8 minutes

Afin d’élaborer toute sorte de référentiel dans le champ professionnel, il convient de se doter d’une grille de représentation des activités. Celle-ci est également utile au manager comme outil de base d’organisation et de pilotage de son unité. En voici les matériaux.

Notions de base de l’organisation du travail.

Toute activité professionnelle peut être décomposée en :

  • domaines,
  • tâches,
  • opérations.

Ceci est applicable à l’activité d’une unité comme à celle d’un poste de travail.

Domaine d’activité.

C’est un ensemble d’activités qui peut être affecté à une unité ou a un poste, et peut lui être retiré sans provoquer d’effet direct sur les autres domaines.

Dans les faits, tout poste de travail est une composition arbitraire de domaines substantiellement indépendants les uns des autres.

Tout domaine est caractérisé par un « produit » particulier (un résultat type d’une nature bien définie), auquel on peut affecter plusieurs critères de performance spécifiques. Ces deux notions sont développées dans des articles précédents.

La tenue d’un domaine d’activité exige la constitution d’un bagage de compétences spécifiques.Lire la suite

Développement, discipline et évaluation des comportements professionnels

Temps de lecture : 8 minutes

Les Echelles de Niveaux de Pratiques (ENP)

Historique d’un concept-outil original

La notion de « niveau de pratique » était déjà utilisée dans les milieux du sport dès les années 80. A l’époque les cadres techniques et pédagogiques de la FF Voile, avec lesquels je travaillais, utilisaient préférentiellement 4 niveaux.
Ceci permettant d’éviter un nombre impair qui rendait trop attractif le niveau médian pour l’évaluation et l’autoévaluation, d’alléger la grille afin d’obtenir une distinction significative entre les niveaux, tout en lui conférant une matière riche.

C’est également avec la même équipe que j’avais découvert les prémisses du concept de « Champ d’intégration », que j’ai formulé par la suite et qui sert de fondement aux ENP.

J’ai repris, élargi, adapté et instrumenté la démarche pour le pilotage de la formation et des compétences dans le monde du travail à partir de 1989, sous le concept d’Echelles de niveaux de pratique, en lançant ma première activité de consultant au sein du cabinet Paradigmes Daniel Feisthammel.

Les ENP constituent depuis 1994 la base instrumentale majeure du cabinet AxCiome C que j’avais fondé en association avec Pierre Massot.
Les technologies des notions de champ d’intégration et d’ENP ont été largement développées dans notre premier ouvrage commun « Conduites professionnelles, conduites de management », Editions Liaisons. 1997. Celui-ci n’a pas été réédité, mais j’en conserve des exemplaires pour ceux qui seraient intéressés.

Depuis, les ENP sont exploitées dans la totalité de nos ouvrages, dans une grande partie de nos formations ainsi que dans nos interventions d’ingénierie et de conseil. Elles constituent également la matrice de nos systèmes d’évaluation.

Elles sont aussi le fondement d’un ouvrage qui présente des échelles élaborées à partir de notre méthode et avec notre aide par le cabinet Krauthammer en correspondance avec ses outils de formation et d’évaluation : Eppling Daniel, Magnien Laurent, Quel manager êtes-vous ? Étalonnez vos pratiques, Eyrolles, 2011.

Elles servent enfin de base instrumentale aux films pédagogiques que le Cabinet AxCiome C produit pour ses clients afin d’optimiser les comportements professionnels spécifiques de toutes natures (relation client, management, production, pratiques de toutes sortes).

Voici une présentation rapide des ENP.

Lire la suite