Suicide au travail : mythes, fuites, malversations et réalités

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Existe-t-il un suicide « pour causes professionnelles » ? Quelles sont les parts de responsabilité des différents niveaux de management dans les suicides des collaborateurs ? La question est largement débattue entre les DRH, les psys et les institutions de toutes sortes. Elle est peu traitée du point de vue managérial. Voici l’analyse d’un conseil indépendant.

Un problème accessoire de GRH ?

Les histoires de suicide pour raisons professionnelles supposées reviennent régulièrement dans l’actualité. J’écoutais un jour sur France Info celle d’un policier s’étant tué avec son arme de service. Les commentaires étaient affligeants de pauvreté. Un responsable syndical fustigeait le manque d’humanité de la « hiérarchie », uniquement préoccupée de « performance » et insensible au bien être des agents. Un peu court comme analyse !
On peut lui concéder que le discours des dirigeants sur ce problème est en général tout aussi mièvre et vide d’explication, sinon carrément hypocrite. « C’est malheureux, on a pourtant tout bien fait, on est vigilant, on accompagne… ». A en croire les dirigeants, chaque suicide ne serait qu’une sorte d’accident social individuel.

L’exceptionnelle souffrance cachée du suicidé serait passée au travers des mailles du filet. Sans qu’on s’en aperçoive, il aurait vécu de façon hypertrophiée les difficultés inhérentes au métier, y voyant une pression exorbitante qui n’existe pas vraiment. Sous-entendu : vous pensez bien que si on s’en était rendu compte on se serait occupé de lui. On aurait fait tout ce qu’il faut pour éviter ça !
Ainsi, quand on écoute avec soin les justifications avancées par les employeurs, il apparaît que la problématique est systématiquement traitée comme une pure question de GRH, c’est-à-dire très accessoire à la conduite des structures, des organisations, des affaires et des activités.

Rangé aux confins de la rubrique des « RPS » (risques psycho-sociaux), le risque de suicide est le plus souvent conçu comme le fruit d’une situation individuelle, plus ou moins exacerbée par l’état de la relation entre le managé et son manager direct.

La recette à la mode : former les N+1 

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Service public : non, un administré n’est pas un client !

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L’usager, administré, assujetti, est parfois diversement traité par les institutions régaliennes, collectivités territoriales et autres établissements publics auxquels il est forcément rattaché.

De plus en plus souvent les directions de ces structures tentent d’amener leur niveau d’accueil et de service à celui des organisations privées. C’est louable.

De là à se mettre à « penser client » il n’y a qu’un pas, qu’à mon avis il ne faut surtout pas franchir.

C’est une ornière, voire une faute politique et stratégique, de vouloir à toute force appliquer la notion de « relation client » aux activités de service public, associatives et institutionnelles en tous genres.

Cela dénote en fait une absence de pensée politique spécifique à la notion de service public et/ou social.

L’administré n’est pas un client :

  • Il ne maîtrise pas son acte d’usage comme le client maîtrise son acte d’achat, c’est le contraire, il est obligé de se conformer et de « payer »,
  • Il ne s’autodétermine pas à titre individuel dans la transaction, il est désigné à titre collectif par des caractéristiques sociales retenues arbitrairement, il est impliqué en tant que population type,
  • Il ne choisit pas un « fournisseur » qui il lui est imposé. Il ne peut pas se passer de telle ou telle structure, il est totalement dépendant : en tant que « bénéficiaire », il ne peut rechercher la moindre concurrence,
  • Il ne dispose d’aucune marge d’influence sur la prestation, ses paramètres, ses dimensions, ses modalités, etc.,
  • Dans la logique client, la ressource de prestation est partiellement construite  par l’accumulation des actes vendus ; dans une logique institutionnelle c’est l’inverse : plus on consomme plus la ressource s’épuise,
  • Le profit financier (de propriétaires ayant un intérêt supérieur à la qualité du service) n’est pas la finalité ultime de la structure.

Le client veut et peut. Il choisit, il est libre et puissant. L’administré est dépendant !Lire la suite