La gestion du temps n’est en aucun cas un problème individuel !

Temps de lecture : 8 minutes

Dans l’entreprise, le “temps” de toutes les personnes  est contraint par des données systémiques 

Dans la réalité du fonctionnement des entreprises, chaque individu ne peut maîtriser seul “son” temps, comme s’il était déconnecté de l’environnement. Un grand nombre de facteurs viennent interférer en permanence sur le déroulement de son temps d’activité (réunions, sollicitations, interventions, etc.).

De plus, il n’existe plus de situations de travail normales, mais seulement des situations perturbées où les événements de toute nature viennent s’entrechoquer de façon incohérente car ils proviennent de sources qui s’ignorent mutuellement, qui répondent à des logiques indépendantes et le plus souvent divergentes.

L’essentiel de la problématique de l’optimisation de la gestion du temps ne relève donc pas d’une compétence individuelle mais d’une compétence collective et de l’organisation dans son ensemble.

Gérer l’imbrication du temps, de celui des autres, de la charge,  de la pression et des perturbations issues de l’environnement.

Le temps n’est pas un facteur en soi, gérable de façon séparée, c’est toujours le temps de quelque chose ou de quelqu’un d’autre : l’activité, le client, le produit, etc.

Il ne peut y avoir de gestion du temps sans gestion simultanée de la charge d’activité, de la pression subie (exigences, contraintes, difficultés, obligations, etc..) et de tous les événements qui viennent interférer dans le déroulement des situations.

C’est la distorsion du temps qu’il convient de gérer. C’est dire qu’on ne peut tout satisfaire ni tout remplir parfaitement au moment propice à chaque objet.

Gérer le temps c’est donc gérer au mieux la perte du temps, les écarts, les dérives, les retards, les réductions, insolubles totalement dans la réalité.

C’est donc faire des choix et des abandons, déterminer des priorités, réguler des arrangements, refaire des arbitrages.

Le processus détermine une part essentielle des contraintes de temps.

Il faut voir ce qui fait perdre du temps. Est-ce seulement le fait d’une mauvaise organisation personnelle, d’une anticipation défaillante, d’une mauvaise stratégie de répartition des durées ?
Le processus de travail tel qu’il est déterminé ne génère-t-il pas par lui-même des durées inutiles, des doublons, des redondances, des surtemps, des distorsions ?

La révision même partielle de certains processus peut dégager des gains de temps considérables en améliorant l’économie propre des travaux? C’est une piste qu’on ne peut négliger.

Le management du temps et le temps du management.

Lire la suite

Réduire la dépense publique par l’organisation et le management

Temps de lecture : 10 minutes

Les débats qui agitent la classe politique sur le sujet de la dépense publique portent surtout sur les masses, les budgets, les effectifs, la répartition territoriale… En parallèle, certains mettent en cause globalement la productivité des fonctionnaires et apparentés vis-à-vis du privé. Il s’agit en fait de la même approche : il suffirait de serrer les boulons en réduisant le nombre des acteurs pour obtenir le même résultat à moindre coût. On a vu l’aboutissement ultime et brutal de ce genre de démarche en Grèce. Pas sûr que ce soit le modèle économique le plus efficace. C’est encore et toujours le crédo favori des candidats des droites à la présidence de la république, conçu comme une baguette magique. 

La productivité aux oubliettes

Par contre, on peut s’interroger sur les coûts induits, de l’intérieur, par les modèles d’organisation et de management des services publics. Oui, il y a un problème de productivité, mais il ne se réduit pas au comportement social et professionnel des individus. D’autant que ce comportement est loin d’être homogène.

Pour faire simple, la productivité peut-être appréhendée comme le rapport entre la durée de travail effectivement rémunérée et le volume de « produit » rendu dans cette durée. On considère ici le produit comme étant le résultat type attendu de chaque activité, conforme aux critères de performance établis. (Voir aussi :  Critères de performance  et “Produit des activités”, la matière oubliée du management).

D’une façon générale, la productivité peut être sensiblement affectée par quelques paramètres ordinaires  qui sont autant de levier d’optimisation
  • Le faible niveau de compétence spécifique de l’opérateur (quel qu’en soit le niveau ou la fonction) pour le traitement du type d’objet dont il a la charge (habileté, expertise, expérience, résolution des problèmes inhérents, connaissance des partenaires, de la culture, des outils…). Ceci l’amène systématiquement à passer beaucoup plus de temps sur le même traitement pour un résultat moindre et d’autres effets coûteux. (Voir : La compétence est un programme de conduite)
  • Le temps pris/occupé par l’opérateur au traitement d’un objet identifié par une opération, une tâche, une réalisation dans son périmètre (dossier, décision, livrable, exécution, pièce…).
  • La reprise après achèvement du traitement (correction, révision, remaniement, renégociation…).
  • La charge de réparation et de reprise due aux atermoiements, retards, pertes, et autres confusions (autrement-dit refaire ce qui l’a déjà été, parce-que perdu, oublié, défait, détérioré, devenu obsolète, dont les affectations budgétaires ou les délais administratifs sont dépassés, dont le responsable est parti…)
  • L’investissement, l’engagement de travaux, dans des objets non-aboutis, surdimensionnés  ou inutilisés (projets abandonnés, délaissés, tâches non achevées, productions ratées, livrables d’apparat, réalisations pharaoniques…)
  • La multiplication de travaux identiques, concernant le même objet, par des opérateurs différents (révisions successives par les niveaux hiérarchiques, réunions entre personnels ayant la même nature de mission dans plusieurs unités concurrentes, mise en concurrence de plusieurs opérateurs, corrections en boucle et/ou en navette, remises en cause des productions par des intervenants périphériques ou des élus…).
  • La pertinence opérationnelle des process de production (arcanes administratives abusives, complexité, ergonomie, lourdeur, difficulté de consultation, instrumentation inappropriée…)
  • L’interdépendance technique, matérielle, organique, formelle…,  des postes sur une chaîne de traitement (autrement-dit tout ce qui génère des arrêts, des reprises ou des pertes de temps utile, par défaut d’information, de continuité, d’accès, de conformité, de tenue des délais…)
  • Le taux d’anomalies récurrentes dans le fonctionnement ordinaire des services (moyens absents, en panne, non protégés, sources externes de distorsions non gérées, matériaux et données non conformes et d’une façon générale, toutes les conditions d’exécution dégradées…). Voir : La compétence ne fait pas la performance et Il n’existe plus de situations de travail “normales”)
  • L’absence de référentiel et de discipline (et évidemment d’évaluation) des pratiques comme des comportements professionnels (chacun travaille à son rythme, à sa manière, préserve son pré carré, choisit les tâches qu’il exécute ou qu’il évite, détermine son degré de perfection, organise son travail, ses supports, ses classements…) y compris lorsque plusieurs personnes occupent le même poste type pour les mêmes productions.
  • L’absence de coopération (chacun bosse dans son coin sans aider les autres dans leur périmètre, rejette les suggestions dans le sien, interdit qu’on s’en approche), défaut d’articulation convenue et de concertation pour conduire des travaux partagés.
  • Les déficits de pilotage opérationnel : politiques erratiques, stratégies versatiles ou inexistantes, objectifs insaisissables, critères non-dits, engagements flous, absence de priorisation, d’arbitrage et de régulation, … (ceci mériterait plusieurs articles ! Voir : Pragmatique des objectifs, de la lubie à la réalité).
  • Les jeux de territoires et de concurrence carriéristes entre managers, eux-mêmes y consacrant une énergie considérable aux dépens de leur travail comme de leurs entités (qui conduisent les agents et collaborateurs d’une part à y perdre beaucoup de temps et d’autre part à entraver –voire à saboter – les  activités des clans adverses).
  • Une gestion laxiste de la ressource humaine favorisant les personnalités les plus réfractaires, plaintives, égocentriques, confondant d’une part le droit du travail avec le droit de nuisance et d’autre part l’humanisme avec la démagogie individualisée.

Les coûts induits de chacun de ces paramètres, mesurés en temps payé objectivement improductif, peuvent être exorbitants.

Si on se payait le luxe de mesurer la productivité effective de chaque unité, on ferait probablement des découvertes sidérantes. Par endroit, elle n’atteint pas 15% !

Ce n’est guère étonnant si l’on songe que la suraccumulation de la plupart de ces facteurs  de perte, est d’une très grande banalité dans beaucoup de nos très chères institutions.
Ce n’est pas tout. Dans une approche plus macro de l’organisation, on peut relever d’autres facteurs dont les impacts sont potentiellement considérables sur de grandes entités.

Au service du public et au service du service

Facteur déterminant, le ratio entre personnels opérationnels et fonctionnels peut être déséquilibré en faveur de ces derniers.
On entend ici par opérationnels les agents occupés à des tâches de production et/ou de prestation. Dans la fonction publique, il s’agit par exemple des policiers, enseignants, infirmières, agents de terrain, inspecteurs…
Par fonctionnels, on entend tous ceux qui sont occupés ; non pas à la délivrance du service mais à faire tourner la machine, la contrôler, la rémunérer… comme dans toutes les organisations : intendance, paie, sécurité, règlementation interne, RH, formation… (Voir : La productivité négative des appareils).
Pour une structure de 500 personnes salariées, selon les choix d’organisation, on peut ainsi avoir un ratio fonctionnels/opérationnels très vertueux de 40/460, ou carrément incongru de 210/290.
Dans les deux cas, on peut décider de réduire les effectifs de façon drastique. Dans une organisation ayant atteint le degré de perversité du second cas, il est probable, pour l’affichage, qu’on choisira de taper dans l’opérationnel (moins cher, plus visible, plus loin des centres de décision, plus malléable). Parions que les nuisibles seront recasés… parmi les fonctionnels qui seront préservés !

Historiquement, c’est ainsi que les appareils grossissent petit-à-petit au détriment du système, du produit, du service et des comptes publics.

Les opérationnels inopérants, les copains, et d’autres cooptés, investissent progressivement des appareils pléthoriques, toujours plus lourds, incompétents, voraces, toxiques, (Voir : Pernicieux jeu des chaises musicales).

L’armée mexicaine/mexicaine

Autre ratio rigolo : le rapport hiérarchie/agents.
Reprenons notre structure de 500 personnes. Nous  pouvons repérer plusieurs types de réglages dans ce domaine.
Tout d’abord on peut mesurer le rapport nombre d’agents de base/nombre de cadres managers (ayant la responsabilité d’une équipe petite ou grande). 25 /475 serait raisonnable. Vous avez compris la suite.
Dans la même veine d’examen, on peut aussi mesurer le nombre de niveaux hiérarchiques au-dessus des agents de base. Il peut y en avoir trois, ou six, voire huit ! Car il convient pour être honnête de compter les “entresols”, les détachés, chargés de missions, sous-adjoints et autres postures intermédiaires qui donnent peu ou prou des ordres.
Dans les organisations détraquées, la multiplication des niveaux hiérarchiques présente plusieurs avantages. Elle permet de :

  • Dédoubler ou tripler les postes à chaque niveau hiérarchique subalterne intermédiaire (ce qui permet d’élargir artificiellement le territoire du N+1 et de nourrir son égo),
  • Satisfaire plus de demandes de promotion à l’ancienneté,
  • Promouvoir toute personne incompétente et/ou intéressée et/ou invasive : on lui trouvera toujours un rôle de « sous-quelque chose » quelque part où elle pourra sévir sans trop de dégât (et pour cause, elle n’y sert à rien),
  • Recaser les opérationnels fatigués dans une masse managériale gonflée aux stéroïdes organiques, ce qui facilite l’exercice démagogique d’une GRH poussive,
  • Déplacer à l’horizontale (pendant longtemps) ceux qui échouent régulièrement dans leurs nouvelles attributions.

Evidemment, tous ces chefs ne servent qu’à débarrasser celui du dessus des tâches auxquelles il rechigne. Ce qui ne l’empêche pas de perde du temps à tripoter dans le moindre détail des réalisations de ses collaborateurs.

A terme, on peut se retrouver ainsi avec un staff hypertrophié, tel que le ratio d’ «encadrants » soit supérieur à 40%, chacun ayant en général entre un et trois collaborateurs dans une foultitude de micro-unités juxtaposées et emboîtées, couvrant des sous-domaines de processus saucissonnés à l’infini.

Tous cadres ?

A défaut d’avoir des responsabilités managériales, on peut avoir un statut (et une rémunération) de cadre. Si le moindre agent est déjà sur la première marche de la catégorie, que dire de la cotation de tous ceux qui s’empilent au-dessus !
Naturellement ce phénomène est beaucoup plus développé pour des populations de fonctionnels ou d’opérationnels dont l’essentiel du job tient dans des activités tertiaires de bureau ou d’administration. Les opérationnels de terrain sont nettement moins concernés.
Outre que ça ne facilite pas la responsabilisation professionnelle de personnels qui ont en réalité des tâches d’exécution ou de gestion, l’impact est évidemment salarial.

Un célèbre duo d’humoristes décline depuis quelques années de savoureuses saynètes sur le thème des “Municipaux” qui mettent en scène la cosse organisée des agents de terrain. On comprend qu’ils aient fait ce choix particulièrement lisible, mais leurs deux énergumènes sont les arbres qui cachent la forêt. Il y a bien pire dans les étages supérieurs de leur hiérarchie. Au moins ceux-là ne cassent rien et leur médiocre rémunération coûte considérablement moins à la manne publique que les confortables émoluments de leurs piles de dirigeants.

Jeux de miroirs. 

Le recouvrement de fonctions identiques existe aussi entre des entités institutionnelles. Il est même systématique et officiel.
Dans chaque domaine d’expertise on trouve ainsi des « responsables » ayant les mêmes champs d’attribution à tous les étages du mille feuilles administratif : commune, intercommunalité, agglomération, pays, département (Conseil général ET service déconcentré de l’Etat sous la tutelle du préfet), région (Conseil régional ET service déconcentré de l’Etat sous la tutelle du préfet de région). Auxquels viennent s’ajouter les membres des Etablissements spécialisés de toute sorte, nationaux et locaux.
Tout ce beau monde, en perpétuelle concurrence, consomme une énorme partie de son temps en débats, concertations, négociations et rapports de force. Chacun représente sa chapelle, sa Direction, sa structure. Elus et dirigeants tiennent absolument à disposer de leur « spécialiste maison » dans tous les domaines, récréant ainsi un petit univers complet à leur main.

De facto, ce qui est produit et réalisé pourrait l’être plus vite et aussi bien, voire mieux, et surtout de façon plus cohérente, avec cinq ou six fois moins d’intervenants.

D’autant que les jeux tacticiens absorbent considérablement plus d’énergie que les travaux substantiels. Ce n’est plus du gâchis, c’est une gabegie organisée à grande échelle.

Idéologie du faire pour le faire.

Reste une autre cause remarquable de la pauvreté de la productivité : l’idéologie du faire. Les fonctionnaires ne sont jamais évalués, ni estimés sur le résultat. Ils le sont sur leur participation à l’action.

Que la chose traitée ou développée soit réussie, achevée, utile, conforme, n’a pas vraiment d’effet sur leur carrière, leur appréciation, leur notoriété, leur rémunération.

La preuve en est : les nominations, promotions et valorisations sont régulièrement accordées à des gens qui ont tout planté ou dont les rendus ont été pour le moins extrêmement médiocres.
L’important n’est pas ce qu’il en reste, c’est d’en avoir fait, en respectant le libellé des procédures, conformément à ce qui est inscrit sur la fiche de poste, le descriptif de l’emploi ou la lettre de mission. L’agent est posté et payé pour faire DU. Il en fait, il fait donc « bien » son travail. Si ça n’aboutit pas, il ne peut être incriminé. Trop de charges, pas assez de moyens, trop de difficultés…

La déresponsabilisation individuelle vis-à-vis du résultat est donc totale.

Mieux, elle s’applique surtout à l’encadrement, qui « encadre » mais ne manage pas, qui cautionne les insuffisances, et accompagne la conformation « petit-bras » au seul référentiel d’emploi ou de missions de l’unité.
La définition des objectifs est confondue avec une phraséologie d’intentions aussi grandiloquentes qu’impalpables, soumise aux aléas des desideratas de dirigeants ou d’élus aussi inconstants que sensibles aux injonctions anecdotiques des médias, des lobbies, ou de leurs tutelles.
La culture de la performance est tellement étrangère à la chose publique, que lorsqu’une précédente équipe gouvernementale a voulu à toute force l’appliquer aux policiers, elle n’a pas su pondre autre chose que l’effarante mesure du nombre brut d’arrestations, avec tous les effets pervers auxquels on pouvait s’attendre. Mettant en place un critère aussi grossier, elle croyait peut-être ainsi singer les critères de volumes de production du monde de l’entreprise ?  Le sujet mériterait à lui seul une série d’articles.

Le paradoxe du pilier

Cependant, dans toutes les institutions où je suis intervenu, des agents (de tous niveaux) tiennent la baraque à bout de bras. Ceux-là se démènent, bossent pour les autres, font avancer le schmilblick par force, par goût, par nécessité… par devoir. Contre vents et marées, ils bataillent, s’inquiétant de la réalité du service rendu. Ils finissent par l’assurer effectivement en y laissant leur santé et leurs loisirs.
Heureusement qu’ils sont là. Malheureusement ils sont l’autre arbre qui cache la forêt. Ils servent de parangon déclaratif aux autres, qui s’en font une affiche pour planquer leur incurie.

Bons à tout faire, ces fonctionnaires très impliqués comblent les lacunes, trop sollicités par des hiérarchies qui n’ont pas le courage et/ou l’envie de faire gratter les autres.

Ce phénomène participe également, à leur corps défendant, à la très maigre productivité de l’ensemble, car il cautionne l’incapacité du management et du système. Le « laisser ne rien faire » est autorisé par leurs capacités de compensation très personnelles. Ils devraient être la référence, ils apparaissent comme une anomalie (arrangeante il est vrai). Seuls, ils tirent un côche ou d’autres se prélassent, côcher compris.

Gisement d’économies

On pourrait également développer ici bien d’autres éléments tels que la nocivité de la formule organisationnelle des « cabinets », ou la pratique toujours plus dévorante des communications inutiles (entretiens, présentations, réunions, messagerie…) qui remplacent le travail effectif.

De toute façon, une analyse rigoureuse des organisations et des pratiques de management mettrait à jours des gisements extraordinaires d’économies et d’optimisation dans la plupart des structures.

Il ne s’agit pas de procéder à des audits exhaustifs, longs et imposants mais à des diagnostics rapides sur les points clés les plus apparents. (Voir : Audit organique externe rapide : la solution à un problème dans une unité).

Cela-dit, je dois reconnaître qu’une organisation optimisée ne suffirait pas, le plus souvent, à renverser la situation. Il est clair qu’elle ne peut aboutir que si elle est portée par un management reconstruit, volontariste et une direction qui donne l’exemple sur tous les plans. Pour être tout à fait sincère, je doute que ce soit possible sans une révision du casting de certaines équipes d’encadrement.
Qu’on ne s’y trompe pas, les nécessaires mutations sont dépendantes de la capacité des managements à conduire l’ingénierie des politiques, des stratégies, des activités  ainsi que la définition d’objectifs crédibles et tangibles, le pilotage de la production, les adaptations des organisations, l’optimisation et la valorisation de la ressource humaine.

Le méga « cloud administratif »

Enfin, il semble tout à fait illusoire de changer les choses sans la mise en œuvre d’un processus d’évaluation rigoureux et ambitieux. Il est ici question d’évaluer les pratiques professionnelles, les pratiques de management, les organisations et les fonctionnements. A mon avis, ce système d’évaluation devrait être calibré et garanti par une instance indépendante.
A tous les niveaux, depuis l’organisation générale de la fonction publique jusqu’au comportement professionnel de l’opérateur, pour aucun des décideurs et des participants, le résultat de l’action n’est vraiment un enjeu sensible.
La qualité, l’économie, la pertinence, le rendement des réalisations (individuelles, collectives, structurelles) ne sont pas les critères objectifs du déploiement des services et de l’activité publique. En réalité, il n’y a pas d’autorité sur le système. Ou, plus exactement, celle-ci ne s’exerce pas sur la valeur produite.

Le peu d’autorité existant est dilué, éparpillé, écartelé dans une nébuleuse de jeux d’intérêts personnels, partisans, catégoriels, conflictuels.

L’autorité est essentiellement consacrée à satisfaire des projets carriéristes, des apparences, des prises de pouvoir, des arrangements tacticiens. L’action publique n’est bien souvent que le support, voire le prétexte à des gratifications de toute nature.
Prendre place dans le système revient dans bien des cas à occuper un siège et y durer. Le dispositif a été construit et est organisé dans ce sens, par et pour ceux qui l’ont investi, sa majorité dominante. De facto, il n’est pas conçu exclusivement pour servir le peuple et la nation. Sa configuration et ses méthodes sont asservies aux divers intérêts de ceux qui l’occupent.
Afin de se maintenir confortablement aux commandes,  ceux qui détiennent le pouvoir concèdent à tous les autres un droit équivalent à l’incurie particulière.

La clé de la doctrine (non dite) qui fait le lit à tous les facteurs de distorsion évoqués précédemment, réside dans une mystification fondamentale.

Elle consiste en une loi implicite et secrètement consensuelle : ne surtout pas  challenger le couple pertinence de l’activité engagée/résultat. Ceci permet à tous (des élus à l’agent de base) d’être exempts de tout risque de confrontation sur la valeur produite, l’efficacité des choix ou la réalité du travail effectué.

Une politique de gouvernance et de management  globale, pragmatique, moderne et ambitieuse devrait fonder les bases d’une indispensable évolution culturelle et organique, progressive et pugnace (Voir : Le management en friche). A défaut, sauf à la dépecer outrageusement, la fonction publique restera une énorme machinerie, sûrement nécessaire mais abusivement dispendieuse.

Ce n’est pas le tout de réduire les effectifs, encore faut-il que ceux qui restent travaillent autrement.

 

Analyse élémentaire de l’activité professionnelle

Temps de lecture : 8 minutes

Afin d’élaborer toute sorte de référentiel dans le champ professionnel, il convient de se doter d’une grille de représentation des activités. Celle-ci est également utile au manager comme outil de base d’organisation et de pilotage de son unité. En voici les matériaux.

Notions de base de l’organisation du travail.

Toute activité professionnelle peut être décomposée en :

  • domaines,
  • tâches,
  • opérations.

Ceci est applicable à l’activité d’une unité comme à celle d’un poste de travail.

Domaine d’activité.

C’est un ensemble d’activités qui peut être affecté à une unité ou a un poste, et peut lui être retiré sans provoquer d’effet direct sur les autres domaines.

Dans les faits, tout poste de travail est une composition arbitraire de domaines substantiellement indépendants les uns des autres.

Tout domaine est caractérisé par un « produit » particulier (un résultat type d’une nature bien définie), auquel on peut affecter plusieurs critères de performance spécifiques. Ces deux notions sont développées dans des articles précédents.

La tenue d’un domaine d’activité exige la constitution d’un bagage de compétences spécifiques.Lire la suite

« Produits des activités» : la matière oubliée du management.

Temps de lecture : 9 minutes

Dans un autre article j’ai développé la notion de « critère de performance », support indispensable de la détermination des objectifs, qui donne le sens. Celle de “produit” vient en amont : les critères de performance s’appliquent aux produits.
Cette notion est centrale dans la sémantique de l’ingénierie et du pilotage des activités. Sa conception découle d’un choix volontariste pour structurer et discipliner la formalisation de toute activité.

Pas d’activité sans produit

La démarche part du principe que toute activité poursuit un résultat type attendu qui peut être identifié, défini, et surtout concrétisé, pour celui qui en bénéficie.

Toute activité managée sert à quelque chose et produit quelque chose. Le « produit » est ce qui en sort, en reste, pour être livré, délivré ou rendu à d’autres.

Il constitue la finalité concrète de l’activité, définie par sa nature et son utilité. Il y en a toujours un pour un utilisateur qui peut être externe ou interne à la structure.
Par définition, il est reconnaissable et homogène dans sa substance, utile à quelque chose et porte des caractéristiques stabilisées.

Pour une unité de fabrication industrielle le produit sera par exemple un ensemble de pièces, pour un dispositif de formation ce sera Lire la suite

Le Staff : la camisole du dirigeant “jupitérien”

Temps de lecture : 8 minutes

J’observe les dirigeants, patrons, élus, depuis cinquante ans, dont plus de trente comme consultant. Quand on voit le nombre de faillites et d’échecs, d’entreprises qui  périclitent ou qui ne parviennent jamais à se débarrasser de leurs travers, force est de constater que la position ne garantit ni la compétence ni la réussite.
La gouvernance des entreprises et autres organisations de toutes sortes est un art pour le moins difficile. Le dirigeant est soumis à quelques problématiques inhérentes à sa position, qui, s’il ne les maîtrise pas, peuvent l’amener dans des égarements lourds de conséquences.Lire la suite

L’indispensable casting des manageurs

Temps de lecture : 8 minutes

Les mauvais manageurs sont légions. En plus de vingt ans d’exercice du conseil, j’en ai croisés et vus sévir en ribambelles, dans toutes sortes d’organisations. A la louche, j’estime que le corps managérial comporte entre 5 et 10% de nuisibles invétérés, et un bon tiers de médiocres ou de bons à rien, ou, comme disait l’oncle du Schpountz de Pagnol, de « mauvais à tout » (ou presque).

Le destin de l’oursin

A quelque niveau qu’ils se trouvent, il semble que seules leurs hiérarchies n’aient pas conscience de leur état. Comme un oursin qui a fait son trou dans un rocher par ses rotations et a fini par s’y insérer en grandissant, sans plus jamais pouvoir en sortir, il paraît impossible de les éradiquer. Ce sont eux qu’on conserve en cas de rachat ou de restructuration. Ils font leur bonhomme de chemin dans les promotions et parviennent parfois aux plus hautes responsabilités, sans que rien ne semble s’opposer à leur ascension.

De fait, ils ne sont jamais évalués sur leur compétence effective, ni sur les effets de leurs conduites dans les entités qu’ils managent. Ils peuvent les rendre  inopérantes, voire en dégrader les ressources comme la performance, il n’empêche qu’ils sont promus.

On en a vu d’ouvertement idiots, lamentables, pérorer dans des réunions de COMEX, embolisant les travaux, annihilant les efforts des autres par leur évidente incurie ; tout le monde faisant comme si de rien n’était.

Tabou

Il existe donc une sorte de consensus pour protéger les imbéciles et les méchants, les incompétents, les tordus.Lire la suite

Non, un collaborateur n’est pas un « client »

Temps de lecture : 8 minutes

J’ai découvert il y a longtemps, avec effarement, que certains cabinets font la promotion d’une démarche où les fondements de la “relation client” serviraient de modèle au management ! La « culture client » érigée en ressource du développement des pratiques managériales ! cette idée refait surface régulièrement.
La culture managériale des entreprises qui achètent une telle ineptie serait-elle donc, à ce jour encore, si pauvre ?

Commerce = “commerce” = management.

Cette approche se fonderait principalement sur l’individualisation et la personnalisation des relations, l’écoute et l’attention portée à l’autre, sa valorisation, l’investigation et la particularisation du contenu des échanges.
Autrement dit, le tout petit bout de la lorgnette d’un management tout entier confondu avec « rapport humain », dans un contexte supposé de relation libre.
Peut-être, cet égarement  relève-t-il de la facilité d’une confusion sémantique autour du mot « commerce », pris comme activité de vente et/ou pris comme relation entre personnes ? Bon, on peut toujours faire plus simpliste, mais là on est tombé bien bas dans le paquet de ficelle grossière.

Encore une fois, on creuse l’ornière qui tend à réduire la problématique du management à la seule dimension de la relation individuelle.

Et, pour satisfaire des figures de fausse cohérence, on force des mélanges aussi stupides qu’artificiels.

Pouvoir changer de crèmerie.

Par essence, ce qui caractérise un client c’est d’abord qu’il peut “changer de crèmerie” !  Le but premier de toute activité commerciale est qu’il vienne se servir chez nous plutôt que chez un concurrent  et qu’il y revienne.Lire la suite