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Dans de nombreuses organisations on considère qu’un “bon manageur”  ne compte pas son temps, arrive plus tôt et reste tard. En s’élevant dans la hiérarchie, ça empire : « Je souhaiterais vous voir dès que possible pour réviser les objectifs de votre équipe ; j’ai une réunion à 19 heures, je vous rejoins en sortant. »

Extrait du chapitre 9 «Nocturnite » de « Coups de pieds aux cultes du management. Antidotes aux croyances nocives sur l’exercice de l’autorité »

Que dit la croyance toxique à l’origine de cette déplorable habitude ?

L’argumentaire pour la justifier est généralement le suivant :

Un manageur ne peut pas décemment arriver et repartir aux mêmes heures que ses collaborateurs. En leur absence, il dispose de moments libres où il peut traiter des problèmes de toutes sortes dans le calme. Cela lui permet de préparer les travaux de la journée, d’anticiper des événements, de vérifier les éléments d’un dossier important, ou par exemple de recevoir un client grand compte en dehors des horaires officiels d’ouverture ou de service.

Sans cette marge supplémentaire d’espace-temps, il serait souvent bien en peine de gérer correctement nombre de situations délicates ou essentielles. En fin de journée, un peu de temps supplémentaire lui permet de faire le point, de préparer son organisation du lendemain et d’achever de répondre à certaines communications restées en suspens. C’est une soupape indispensable pour bien gérer son temps.

La fin de journée serait souvent le moment idéal pour assurer la gestion des tâches fonctionnelles périphériques ; ce qui permettrait de réserver son attention aux nécessités opérationnelles en cours de journée.

Un manageur qui compte son temps en le calquant sur celui de ses collaborateurs a perdu le sens de ses responsabilités. Il est clair que son employeur, en lui confiant la fonction, attend de lui plus de présence, de capacités productives. Sa disponibilité au service de l’entité doit être à la mesure de son engagement professionnel. En calant son rythme de travail sur les horaires de ses collègues, le manageur se mettrait à leur niveau et y perdrait à la fois son autorité et sa légitimité.

Le temps perdu ne se rattrape plus

Dans la veine de cette obligation insidieuse, on voit des manageurs qui arrivent tous les jours à 6 h 30, qui restent régulièrement jusqu’à 21 heures, qui bossent ensuite à la maison, même le dimanche. Leurs vacances sont souvent amputées ; ils restent joignables et corvéables à merci.

On voit, au contraire, d’autres manageurs, voire des entreprises entières, qui résistent complètement à cet oukase du surtemps managérial ; sans aucun dommage pour leur activité ou pour le système. Les unités y sont productives, les performances satisfaisantes, les obligations fonctionnelles assez bien tenues, et les équipes y bossent efficacement et dans le calme.

Ce sont également celles où la pression générale est la moins forte, où il y a moins de dépressions, moins de problématiques psychologiques parmi les personnels.

En regard, dans les organisations où les manageurs sont eux-mêmes régulièrement soumis à des horaires abusifs, on constate une agitation générale, de la tension, du mal-être et finalement un taux de désordre et de confusion plus élevé.

On y a pris l’habitude de fonctionner préférentiellement dans l’excitation et l’urgence, sous des hiérarchies qui prennent un malin plaisir à décréter des travaux ou des réunions à la va-vite. Et bien sûr, les convocations de manageurs y ont forcément lieu hors des horaires normaux.

Forcenés

Certains cadres supérieurs, eux-mêmes malades de l’entreprise, drogués du business-activisme, expriment naturellement leur pathologie sociale en asservissant leurs troupes à leur addiction personnelle.

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