Le changement : une fonction ordinaire et permanente du manager.

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Le non-changement n’existe plus

Toute unité est confrontée régulièrement à de très nombreux changements qui affectent son organisation, sa composition, ses moyens, ses finalités, etc. La conduite de ces changements est un des objets primordiaux de la mission du management, probablement un des plus modernes dans sa substance.
Il est fréquent que nos commanditaires, en nous demandant des apports de formation sur la « conduite du changement » pour les managers, en aient une approche anecdotique réduite au traitement des difficultés liées à un événement particulier qui bouleverse et perturbe brutalement la vie de l’entreprise (fusion, plan social, rachat, restructuration, intégration logicielle, etc.).
Ils posent alors la problématique de la conduite du changement sous l’angle d’une nécessaire prise d’influence sur les résistances du personnel. Comme si on devait les réveiller (nos managers avant leurs collaborateurs) d’une longue torpeur ancrée dans le train-train de situations stabilisées.

Comme un cheveu dans la popote

Dans ces cas on nous demande d’ailleurs des apports archi basiques pour ne pas dire presque  enfantins, sur la théorie du changement : l’intérêt des nécessaires évolutions, la compréhension des freins ou le volontarisme dans la motivation des troupes ! C’est dire à quel point la conduite du changement semble souvent venir comme un cheveu dans la popote d’un management plutôt enclin à discipliner la redondance. C’est dire également que sans cet évènement, on n’aurait probablement jamais songé à les former sur ce sujet.

Une des faiblesses les plus profondes des politiques de management des entreprises est qu’elles ne semblent pas repérer le changement comme étant permanent et laissent pour l’essentiel leurs managers s’installer dans une identité routinière.

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Identifier et gérer ses nuisibles

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De la caissière extrêmement revêche au petit chef vindicatif qui paralyse toutes les initiatives, de l’employé incapable de faire les tâches les plus simples à celui qui refuse en bloc toute mission, les nuisibles sont incontournables. Tous les tenants d’une autorité sont bien souvent confrontés à des personnalités ultra difficiles, dont les comportements nuisent au fonctionnement du groupe où ils exercent leurs talents (entreprise, association, équipe, famille…).
Qui sont donc ces nuisibles ? À quoi les reconnaît-on ? Doit-on tenter de les changer, ou ne peut-on que s’en débarrasser ?
Extraits de l’introduction à l’ouvrage « Gérer les personnalités difficiles au quotidien » . A lire également : Personnalités difficiles  ou  nuisibles ? Débat avec un lecteur.

Les nuisibles en action : les aventures de Bobolin.

Bobolin, qui participe aux activités du comité d’entreprise, a organisé un voyage d’été pour les enfants du personnel… Il a tout arrangé dans son coin ; ça lui rappelle sa jeunesse, lorsqu’il encadrait colos et camps de vacances dans sa commune.
Un mois avant le départ, Bobolin reçoit une lettre acidulée du tour-opérateur, qui le met en demeure, sous peine d’annuler les réservations, de fournir comme prévu les autorisations de sortie du territoire.
Bobolin a pris note de ce détail dès le début, mais il a résolu de régler cela à sa manière : remettre les autorisations le jour du départ sera suffisant. Il avait bien senti, Bobolin, dans les âpres négociations avec le responsable de l’organisme, que ces gens-là étaient des papivores rétrogrades ! Ainsi, le « fournisseur » se découvre d’un seul coup des droits pour lui dicter sa conduite ? Eh bien, c’est ce qu’on va voir !
Bobolin ne cédera pas au chantage. Il envoie aux familles une note, leur rappelant de fournir une autorisation de sortie du territoire, qui devra lui être remise le jour du départ. Puis il décide de le prendre sur le même ton avec le tour-opérateur, dans un courrier saignant qu’il expédie une semaine plus tard.
Quinze jours avant le départ, vingt-cinq enfants commencent à préparer leurs jeux et leurs affaires, mais une lettre du tour-opérateur arrive, avec un chèque de remboursement de l’acompte versé…

Portrait du nuisible

Comment pouvez-vous repérer une personnalité nuisible ? C’est très simple :Lire la suite

“Patron incognito”… aveugle et sourd : ou comment organiser sa méconnaissance du terrain.

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L’émission de M6 peut paraître neuneu, ou pour le moins convenue au premier abord. Mais en y regardant de plus près, elle est riche d’enseignements. Quoique ce ne soit pas sa destination, c’est aussi une véritable grille de lecture des travers ordinaires de l’entreprise à la française.
Bien sûr, certaines entreprises exposées sont plutôt vertueuses (le mérite en revient probablement à leur patron) et ça se voit. Cette critique ne les concerne qu’à la marge. Si elles me lisent elles se reconnaîtront. Pour les autres, il y a du boulot !
Certes, l’uniformité du format appartient à la production. N’empêche que la redondance des caractéristiques révélées sur l’organisation et les prémisses du modèle commun d’entreprise est saisissante. En empilant les épisodes, on commence à comprendre pourquoi la plupart de ces patrons a besoin de mouiller la chemise (nécessairement en se déguisant) pour, enfin, savoir ce qui se passe vraiment au cœur de leur boutique.

« Terra incognita »

Il est quand-même extraordinaire qu’un patron, disposant de tous les leviers et tous les pouvoirs dans sa boîte, ait besoin d’une immersion, par le truchement d’une émission de télé-réalité, pour découvrir le fin mot des vérités de SON terrain.

On se dit « mais que fait la police ? ».Lire la suite

Réduire la dépense publique par l’organisation et le management

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Les débats qui agitent la classe politique sur le sujet de la dépense publique portent surtout sur les masses, les budgets, les effectifs, la répartition territoriale… En parallèle, certains mettent en cause globalement la productivité des fonctionnaires et apparentés vis-à-vis du privé. Il s’agit en fait de la même approche : il suffirait de serrer les boulons en réduisant le nombre des acteurs pour obtenir le même résultat à moindre coût. On a vu l’aboutissement ultime et brutal de ce genre de démarche en Grèce. Pas sûr que ce soit le modèle économique le plus efficace. C’est encore et toujours le crédo favori des candidats des droites à la présidence de la république, conçu comme une baguette magique. 

La productivité aux oubliettes

Par contre, on peut s’interroger sur les coûts induits, de l’intérieur, par les modèles d’organisation et de management des services publics. Oui, il y a un problème de productivité, mais il ne se réduit pas au comportement social et professionnel des individus. D’autant que ce comportement est loin d’être homogène.

Pour faire simple, la productivité peut-être appréhendée comme le rapport entre la durée de travail effectivement rémunérée et le volume de « produit » rendu dans cette durée. On considère ici le produit comme étant le résultat type attendu de chaque activité, conforme aux critères de performance établis. (Voir aussi :  Critères de performance  et “Produit des activités”, la matière oubliée du management).

D’une façon générale, la productivité peut être sensiblement affectée par quelques paramètres ordinaires  qui sont autant de levier d’optimisation
  • Le faible niveau de compétence spécifique de l’opérateur (quel qu’en soit le niveau ou la fonction) pour le traitement du type d’objet dont il a la charge (habileté, expertise, expérience, résolution des problèmes inhérents, connaissance des partenaires, de la culture, des outils…). Ceci l’amène systématiquement à passer beaucoup plus de temps sur le même traitement pour un résultat moindre et d’autres effets coûteux. (Voir : La compétence est un programme de conduite)
  • Le temps pris/occupé par l’opérateur au traitement d’un objet identifié par une opération, une tâche, une réalisation dans son périmètre (dossier, décision, livrable, exécution, pièce…).
  • La reprise après achèvement du traitement (correction, révision, remaniement, renégociation…).
  • La charge de réparation et de reprise due aux atermoiements, retards, pertes, et autres confusions (autrement-dit refaire ce qui l’a déjà été, parce-que perdu, oublié, défait, détérioré, devenu obsolète, dont les affectations budgétaires ou les délais administratifs sont dépassés, dont le responsable est parti…)
  • L’investissement, l’engagement de travaux, dans des objets non-aboutis, surdimensionnés  ou inutilisés (projets abandonnés, délaissés, tâches non achevées, productions ratées, livrables d’apparat, réalisations pharaoniques…)
  • La multiplication de travaux identiques, concernant le même objet, par des opérateurs différents (révisions successives par les niveaux hiérarchiques, réunions entre personnels ayant la même nature de mission dans plusieurs unités concurrentes, mise en concurrence de plusieurs opérateurs, corrections en boucle et/ou en navette, remises en cause des productions par des intervenants périphériques ou des élus…).
  • La pertinence opérationnelle des process de production (arcanes administratives abusives, complexité, ergonomie, lourdeur, difficulté de consultation, instrumentation inappropriée…)
  • L’interdépendance technique, matérielle, organique, formelle…,  des postes sur une chaîne de traitement (autrement-dit tout ce qui génère des arrêts, des reprises ou des pertes de temps utile, par défaut d’information, de continuité, d’accès, de conformité, de tenue des délais…)
  • Le taux d’anomalies récurrentes dans le fonctionnement ordinaire des services (moyens absents, en panne, non protégés, sources externes de distorsions non gérées, matériaux et données non conformes et d’une façon générale, toutes les conditions d’exécution dégradées…). Voir : La compétence ne fait pas la performance et Il n’existe plus de situations de travail “normales”)
  • L’absence de référentiel et de discipline (et évidemment d’évaluation) des pratiques comme des comportements professionnels (chacun travaille à son rythme, à sa manière, préserve son pré carré, choisit les tâches qu’il exécute ou qu’il évite, détermine son degré de perfection, organise son travail, ses supports, ses classements…) y compris lorsque plusieurs personnes occupent le même poste type pour les mêmes productions.
  • L’absence de coopération (chacun bosse dans son coin sans aider les autres dans leur périmètre, rejette les suggestions dans le sien, interdit qu’on s’en approche), défaut d’articulation convenue et de concertation pour conduire des travaux partagés.
  • Les déficits de pilotage opérationnel : politiques erratiques, stratégies versatiles ou inexistantes, objectifs insaisissables, critères non-dits, engagements flous, absence de priorisation, d’arbitrage et de régulation, … (ceci mériterait plusieurs articles ! Voir : Pragmatique des objectifs, de la lubie à la réalité).
  • Les jeux de territoires et de concurrence carriéristes entre managers, eux-mêmes y consacrant une énergie considérable aux dépens de leur travail comme de leurs entités (qui conduisent les agents et collaborateurs d’une part à y perdre beaucoup de temps et d’autre part à entraver –voire à saboter – les  activités des clans adverses).
  • Une gestion laxiste de la ressource humaine favorisant les personnalités les plus réfractaires, plaintives, égocentriques, confondant d’une part le droit du travail avec le droit de nuisance et d’autre part l’humanisme avec la démagogie individualisée.

Les coûts induits de chacun de ces paramètres, mesurés en temps payé objectivement improductif, peuvent être exorbitants.

Si on se payait le luxe de mesurer la productivité effective de chaque unité, on ferait probablement des découvertes sidérantes. Par endroit, elle n’atteint pas 15% !

Ce n’est guère étonnant si l’on songe que la suraccumulation de la plupart de ces facteurs  de perte, est d’une très grande banalité dans beaucoup de nos très chères institutions.
Ce n’est pas tout. Dans une approche plus macro de l’organisation, on peut relever d’autres facteurs dont les impacts sont potentiellement considérables sur de grandes entités.

Au service du public et au service du service

Facteur déterminant, le ratio entre personnels opérationnels et fonctionnels peut être déséquilibré en faveur de ces derniers.
On entend ici par opérationnels les agents occupés à des tâches de production et/ou de prestation. Dans la fonction publique, il s’agit par exemple des policiers, enseignants, infirmières, agents de terrain, inspecteurs…
Par fonctionnels, on entend tous ceux qui sont occupés ; non pas à la délivrance du service mais à faire tourner la machine, la contrôler, la rémunérer… comme dans toutes les organisations : intendance, paie, sécurité, règlementation interne, RH, formation… (Voir : La productivité négative des appareils).
Pour une structure de 500 personnes salariées, selon les choix d’organisation, on peut ainsi avoir un ratio fonctionnels/opérationnels très vertueux de 40/460, ou carrément incongru de 210/290.
Dans les deux cas, on peut décider de réduire les effectifs de façon drastique. Dans une organisation ayant atteint le degré de perversité du second cas, il est probable, pour l’affichage, qu’on choisira de taper dans l’opérationnel (moins cher, plus visible, plus loin des centres de décision, plus malléable). Parions que les nuisibles seront recasés… parmi les fonctionnels qui seront préservés !

Historiquement, c’est ainsi que les appareils grossissent petit-à-petit au détriment du système, du produit, du service et des comptes publics.

Les opérationnels inopérants, les copains, et d’autres cooptés, investissent progressivement des appareils pléthoriques, toujours plus lourds, incompétents, voraces, toxiques, (Voir : Pernicieux jeu des chaises musicales).

L’armée mexicaine/mexicaine

Autre ratio rigolo : le rapport hiérarchie/agents.
Reprenons notre structure de 500 personnes. Nous  pouvons repérer plusieurs types de réglages dans ce domaine.
Tout d’abord on peut mesurer le rapport nombre d’agents de base/nombre de cadres managers (ayant la responsabilité d’une équipe petite ou grande). 25 /475 serait raisonnable. Vous avez compris la suite.
Dans la même veine d’examen, on peut aussi mesurer le nombre de niveaux hiérarchiques au-dessus des agents de base. Il peut y en avoir trois, ou six, voire huit ! Car il convient pour être honnête de compter les “entresols”, les détachés, chargés de missions, sous-adjoints et autres postures intermédiaires qui donnent peu ou prou des ordres.
Dans les organisations détraquées, la multiplication des niveaux hiérarchiques présente plusieurs avantages. Elle permet de :

  • Dédoubler ou tripler les postes à chaque niveau hiérarchique subalterne intermédiaire (ce qui permet d’élargir artificiellement le territoire du N+1 et de nourrir son égo),
  • Satisfaire plus de demandes de promotion à l’ancienneté,
  • Promouvoir toute personne incompétente et/ou intéressée et/ou invasive : on lui trouvera toujours un rôle de « sous-quelque chose » quelque part où elle pourra sévir sans trop de dégât (et pour cause, elle n’y sert à rien),
  • Recaser les opérationnels fatigués dans une masse managériale gonflée aux stéroïdes organiques, ce qui facilite l’exercice démagogique d’une GRH poussive,
  • Déplacer à l’horizontale (pendant longtemps) ceux qui échouent régulièrement dans leurs nouvelles attributions.

Evidemment, tous ces chefs ne servent qu’à débarrasser celui du dessus des tâches auxquelles il rechigne. Ce qui ne l’empêche pas de perde du temps à tripoter dans le moindre détail des réalisations de ses collaborateurs.

A terme, on peut se retrouver ainsi avec un staff hypertrophié, tel que le ratio d’ «encadrants » soit supérieur à 40%, chacun ayant en général entre un et trois collaborateurs dans une foultitude de micro-unités juxtaposées et emboîtées, couvrant des sous-domaines de processus saucissonnés à l’infini.

Tous cadres ?

A défaut d’avoir des responsabilités managériales, on peut avoir un statut (et une rémunération) de cadre. Si le moindre agent est déjà sur la première marche de la catégorie, que dire de la cotation de tous ceux qui s’empilent au-dessus !
Naturellement ce phénomène est beaucoup plus développé pour des populations de fonctionnels ou d’opérationnels dont l’essentiel du job tient dans des activités tertiaires de bureau ou d’administration. Les opérationnels de terrain sont nettement moins concernés.
Outre que ça ne facilite pas la responsabilisation professionnelle de personnels qui ont en réalité des tâches d’exécution ou de gestion, l’impact est évidemment salarial.

Un célèbre duo d’humoristes décline depuis quelques années de savoureuses saynètes sur le thème des “Municipaux” qui mettent en scène la cosse organisée des agents de terrain. On comprend qu’ils aient fait ce choix particulièrement lisible, mais leurs deux énergumènes sont les arbres qui cachent la forêt. Il y a bien pire dans les étages supérieurs de leur hiérarchie. Au moins ceux-là ne cassent rien et leur médiocre rémunération coûte considérablement moins à la manne publique que les confortables émoluments de leurs piles de dirigeants.

Jeux de miroirs. 

Le recouvrement de fonctions identiques existe aussi entre des entités institutionnelles. Il est même systématique et officiel.
Dans chaque domaine d’expertise on trouve ainsi des « responsables » ayant les mêmes champs d’attribution à tous les étages du mille feuilles administratif : commune, intercommunalité, agglomération, pays, département (Conseil général ET service déconcentré de l’Etat sous la tutelle du préfet), région (Conseil régional ET service déconcentré de l’Etat sous la tutelle du préfet de région). Auxquels viennent s’ajouter les membres des Etablissements spécialisés de toute sorte, nationaux et locaux.
Tout ce beau monde, en perpétuelle concurrence, consomme une énorme partie de son temps en débats, concertations, négociations et rapports de force. Chacun représente sa chapelle, sa Direction, sa structure. Elus et dirigeants tiennent absolument à disposer de leur « spécialiste maison » dans tous les domaines, récréant ainsi un petit univers complet à leur main.

De facto, ce qui est produit et réalisé pourrait l’être plus vite et aussi bien, voire mieux, et surtout de façon plus cohérente, avec cinq ou six fois moins d’intervenants.

D’autant que les jeux tacticiens absorbent considérablement plus d’énergie que les travaux substantiels. Ce n’est plus du gâchis, c’est une gabegie organisée à grande échelle.

Idéologie du faire pour le faire.

Reste une autre cause remarquable de la pauvreté de la productivité : l’idéologie du faire. Les fonctionnaires ne sont jamais évalués, ni estimés sur le résultat. Ils le sont sur leur participation à l’action.

Que la chose traitée ou développée soit réussie, achevée, utile, conforme, n’a pas vraiment d’effet sur leur carrière, leur appréciation, leur notoriété, leur rémunération.

La preuve en est : les nominations, promotions et valorisations sont régulièrement accordées à des gens qui ont tout planté ou dont les rendus ont été pour le moins extrêmement médiocres.
L’important n’est pas ce qu’il en reste, c’est d’en avoir fait, en respectant le libellé des procédures, conformément à ce qui est inscrit sur la fiche de poste, le descriptif de l’emploi ou la lettre de mission. L’agent est posté et payé pour faire DU. Il en fait, il fait donc « bien » son travail. Si ça n’aboutit pas, il ne peut être incriminé. Trop de charges, pas assez de moyens, trop de difficultés…

La déresponsabilisation individuelle vis-à-vis du résultat est donc totale.

Mieux, elle s’applique surtout à l’encadrement, qui « encadre » mais ne manage pas, qui cautionne les insuffisances, et accompagne la conformation « petit-bras » au seul référentiel d’emploi ou de missions de l’unité.
La définition des objectifs est confondue avec une phraséologie d’intentions aussi grandiloquentes qu’impalpables, soumise aux aléas des desideratas de dirigeants ou d’élus aussi inconstants que sensibles aux injonctions anecdotiques des médias, des lobbies, ou de leurs tutelles.
La culture de la performance est tellement étrangère à la chose publique, que lorsqu’une précédente équipe gouvernementale a voulu à toute force l’appliquer aux policiers, elle n’a pas su pondre autre chose que l’effarante mesure du nombre brut d’arrestations, avec tous les effets pervers auxquels on pouvait s’attendre. Mettant en place un critère aussi grossier, elle croyait peut-être ainsi singer les critères de volumes de production du monde de l’entreprise ?  Le sujet mériterait à lui seul une série d’articles.

Le paradoxe du pilier

Cependant, dans toutes les institutions où je suis intervenu, des agents (de tous niveaux) tiennent la baraque à bout de bras. Ceux-là se démènent, bossent pour les autres, font avancer le schmilblick par force, par goût, par nécessité… par devoir. Contre vents et marées, ils bataillent, s’inquiétant de la réalité du service rendu. Ils finissent par l’assurer effectivement en y laissant leur santé et leurs loisirs.
Heureusement qu’ils sont là. Malheureusement ils sont l’autre arbre qui cache la forêt. Ils servent de parangon déclaratif aux autres, qui s’en font une affiche pour planquer leur incurie.

Bons à tout faire, ces fonctionnaires très impliqués comblent les lacunes, trop sollicités par des hiérarchies qui n’ont pas le courage et/ou l’envie de faire gratter les autres.

Ce phénomène participe également, à leur corps défendant, à la très maigre productivité de l’ensemble, car il cautionne l’incapacité du management et du système. Le « laisser ne rien faire » est autorisé par leurs capacités de compensation très personnelles. Ils devraient être la référence, ils apparaissent comme une anomalie (arrangeante il est vrai). Seuls, ils tirent un côche ou d’autres se prélassent, côcher compris.

Gisement d’économies

On pourrait également développer ici bien d’autres éléments tels que la nocivité de la formule organisationnelle des « cabinets », ou la pratique toujours plus dévorante des communications inutiles (entretiens, présentations, réunions, messagerie…) qui remplacent le travail effectif.

De toute façon, une analyse rigoureuse des organisations et des pratiques de management mettrait à jours des gisements extraordinaires d’économies et d’optimisation dans la plupart des structures.

Il ne s’agit pas de procéder à des audits exhaustifs, longs et imposants mais à des diagnostics rapides sur les points clés les plus apparents. (Voir : Audit organique externe rapide : la solution à un problème dans une unité).

Cela-dit, je dois reconnaître qu’une organisation optimisée ne suffirait pas, le plus souvent, à renverser la situation. Il est clair qu’elle ne peut aboutir que si elle est portée par un management reconstruit, volontariste et une direction qui donne l’exemple sur tous les plans. Pour être tout à fait sincère, je doute que ce soit possible sans une révision du casting de certaines équipes d’encadrement.
Qu’on ne s’y trompe pas, les nécessaires mutations sont dépendantes de la capacité des managements à conduire l’ingénierie des politiques, des stratégies, des activités  ainsi que la définition d’objectifs crédibles et tangibles, le pilotage de la production, les adaptations des organisations, l’optimisation et la valorisation de la ressource humaine.

Le méga « cloud administratif »

Enfin, il semble tout à fait illusoire de changer les choses sans la mise en œuvre d’un processus d’évaluation rigoureux et ambitieux. Il est ici question d’évaluer les pratiques professionnelles, les pratiques de management, les organisations et les fonctionnements. A mon avis, ce système d’évaluation devrait être calibré et garanti par une instance indépendante.
A tous les niveaux, depuis l’organisation générale de la fonction publique jusqu’au comportement professionnel de l’opérateur, pour aucun des décideurs et des participants, le résultat de l’action n’est vraiment un enjeu sensible.
La qualité, l’économie, la pertinence, le rendement des réalisations (individuelles, collectives, structurelles) ne sont pas les critères objectifs du déploiement des services et de l’activité publique. En réalité, il n’y a pas d’autorité sur le système. Ou, plus exactement, celle-ci ne s’exerce pas sur la valeur produite.

Le peu d’autorité existant est dilué, éparpillé, écartelé dans une nébuleuse de jeux d’intérêts personnels, partisans, catégoriels, conflictuels.

L’autorité est essentiellement consacrée à satisfaire des projets carriéristes, des apparences, des prises de pouvoir, des arrangements tacticiens. L’action publique n’est bien souvent que le support, voire le prétexte à des gratifications de toute nature.
Prendre place dans le système revient dans bien des cas à occuper un siège et y durer. Le dispositif a été construit et est organisé dans ce sens, par et pour ceux qui l’ont investi, sa majorité dominante. De facto, il n’est pas conçu exclusivement pour servir le peuple et la nation. Sa configuration et ses méthodes sont asservies aux divers intérêts de ceux qui l’occupent.
Afin de se maintenir confortablement aux commandes,  ceux qui détiennent le pouvoir concèdent à tous les autres un droit équivalent à l’incurie particulière.

La clé de la doctrine (non dite) qui fait le lit à tous les facteurs de distorsion évoqués précédemment, réside dans une mystification fondamentale.

Elle consiste en une loi implicite et secrètement consensuelle : ne surtout pas  challenger le couple pertinence de l’activité engagée/résultat. Ceci permet à tous (des élus à l’agent de base) d’être exempts de tout risque de confrontation sur la valeur produite, l’efficacité des choix ou la réalité du travail effectué.

Une politique de gouvernance et de management  globale, pragmatique, moderne et ambitieuse devrait fonder les bases d’une indispensable évolution culturelle et organique, progressive et pugnace (Voir : Le management en friche). A défaut, sauf à la dépecer outrageusement, la fonction publique restera une énorme machinerie, sûrement nécessaire mais abusivement dispendieuse.

Ce n’est pas le tout de réduire les effectifs, encore faut-il que ceux qui restent travaillent autrement.

 

Emploi : place aux vieux !

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Les recruteurs ne veulent pas des « vieux ». C’est désormais un automatisme « sociétal ». Quand on y regarde de près, il apparaît que les raisons financières et statutaires à ce rejet systématique sont en fait des prétextes. Ne pas recruter les demandeurs qui  entrent dans leurs quinze dernières années de carrière relève de préjugés du même ordre que la couleur de peau, les origines sociales, l’exclusion des femmes des postes de management ou le barrage à l’accès au management pour les maîtrises.

Hypocrisies

Ça fait partie des  trop nombreux partis pris de la gangue idéologique qui obscurcit et dégrade les critères du recrutement.

Encore une fois, c’est moins la bêtise propre des recruteurs qui en est à l’origine mais plutôt la pression diffuse s’exerçant sur eux de la part des managements commanditaires du recrutement.
Le phénomène mérite d’être interrogé, en tous cas du point de vue des demandeurs d’emploi. Il y a là-dedans à boire et à manger. Le démêlage des ressorts peut être utile à une révision des stratégies et des comportements de recherche t de candidature.Lire la suite

Pernicieux jeu des chaises musicales dans les structures institutionnelles et fonctionnelles

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Le rituel des mobilités internes dans certains grands groupes limite ordinairement à quatre ans la durée d’occupation d’un poste fonctionnel, de management, ou d’une mission transverse. La recette est pratiquée plus systématiquement dans les administrations, les institutions, le secteur des services et dans les anciennes entreprises nationales qui peinent à devenir des organisations marchandes.
Ce n’est pas le cas de toutes, celles qui sont visées se reconnaîtront ; ou plutôt, elles seront reconnues par leurs éléments les plus lucides.

Rubik’s Cube RH

A guichets quasi fermés, les entreprises qui s’y adonnent sont donc condamnées à replacer –reclasser très régulièrement tout le monde. Il suffit qu’un pion bouge pour provoquer en chaîne le déménagement de tous les autres, en amont et en aval. Il faut boucher le trou et chasser un tiers pour loger le pèlerin. Et ainsi de suite. En phase de réduction des effectifs, l’affaire devient un casse-tête insoluble : si le poste est supprimé, le boulot ne disparaît pas ; la distorsion augmente entre une exigence de productivité accrue et un recrutement interne sensiblement paupérisé.
Logiquement, la gestion de ce mouvement perpétuel, génère une perte de productivité considérable. Celui qui est sur le départ lève le pied ; l’impétrant découvre… Sans compter les colossales pertes d’efficacité dans la transmission des affaires et des dossiers. D’autant que la plupart des entreprises ont réduit la durée du biseau entre les deux protagonistes (entrant et sortant) à la portion congrue.Lire la suite

Audit organique externe rapide : la solution à un problème dans une unité.

Temps de lecture : 9 minutes

Les signes de détérioration du fonctionnement d’une unité sont souvent les manifestations d’un malaise dû à des distorsions plus profondes. Il s’agit ici tout autant de très petites unités, de moyennes et de très grandes entités empilant plusieurs niveaux hiérarchiques.

Dégradation publique de l’ambiance, plaintes de collaborateurs, conflits récurrents, formation de clans, isolement de certains collaborateurs, mises en cause du manager, évocation de harcèlement, incidents répétés dans la production ou la relation client, incapacité chronique de l’unité à faire face à la charge, multiplication des casses, chute nette de la performance, conflits inter services, taux de départs supérieur à la moyenne, pertes d’informations sensibles ou de dossiers, réorganisation poussive et douloureuse, etc., les anomalies de toutes sortes doivent alerter les dirigeants. Dans tous les cas les affaires en pâtissent et les coûts induits sont considérables.

Des  causes multiples

Face à de telles situations, la tendance générale est de répondre de façon parcellaire au seul symptôme, en considérant que le problème est limité à un ou deux paramètres ou à un simple conflit binaire entre individus. Il est difficile d’admettre que la situation, plus grave qu’il n’y paraît, peut relever pour partie de certains choix de la part des directions.

Pourtant, l’expérience montre que les situations dégradées impliquent toujours (peu ou prou) un faisceau de facteurs de natures différentes portant à la fois (et a minima) sur :Lire la suite

Management – pervers pépère – dans des organisations institutionnelles et “sociales”

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Méchants, mauvais, tordus, il en sévit aussi dans de très nombreuses organisations se voulant ou se disant « humaines » et/ou  humanistes. J’en observe depuis des décennies qui restent impunis, quasi inexpugnables.

La brute tyrannique qui met en place une organisation du travail aberrante exigeant un sur-contrôle étouffant. L’hystérique paniquée et incompétente qui n’organise rien mais tripote au coup-par-coup dans tous les dossiers en « zappant » ses collaborateurs. Le vieux cadre supérieur tacticien démagogue, verbeux et sentencieux qui  radote sur des solutions obsolètes en dézinguant systématiquement ses cadres les plus compétents. Tous sont bien réels.  Ils perdurent sans garde-fou, sans recadrage, invisibles aux yeux de leurs hiérarchies.

Organisations réputées «sociales »

Ça n’a rien d’extraordinaire. L’étonnant réside dans leur localisation. Ceux que j’évoque ici sont aux manettes (à divers niveaux) dans des institutions, des organismes sociaux, des collectivités, des entreprises privées encore sous tutelle (relative) de l’Etat, où le discours humanisant domine les relations sociales, où les organisations sociales disposent de fortes capacités d’entrave, où les gouvernances hésitent à appliquer de façon rigoureuse le droit du travail, voire leur propre règlement intérieur.

Dans ces organisations la sanction n’existe pas vraiment. L’hypocrisie est de mise dans la gestion des comportements professionnels déviants de la part des salariés les plus réfractaires. Il arrive même que ces derniers parviennent à « avoir la peau » du manageur de proximité qui se hasarderait à vouloir les mettre au travail. Ces  managés-là savent parfaitement actionner tous les ressorts de protections syndicales qui dépassent la légitimité du corpus réglementaire.

Car la paix sociale y est le crédo consensuel du système RH et de la gouvernance. Lire la suite

Analyse élémentaire de l’activité professionnelle

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Afin d’élaborer toute sorte de référentiel dans le champ professionnel, il convient de se doter d’une grille de représentation des activités. Celle-ci est également utile au manager comme outil de base d’organisation et de pilotage de son unité. En voici les matériaux.

Notions de base de l’organisation du travail.

Toute activité professionnelle peut être décomposée en :

  • domaines,
  • tâches,
  • opérations.

Ceci est applicable à l’activité d’une unité comme à celle d’un poste de travail.

Domaine d’activité.

C’est un ensemble d’activités qui peut être affecté à une unité ou a un poste, et peut lui être retiré sans provoquer d’effet direct sur les autres domaines.

Dans les faits, tout poste de travail est une composition arbitraire de domaines substantiellement indépendants les uns des autres.

Tout domaine est caractérisé par un « produit » particulier (un résultat type d’une nature bien définie), auquel on peut affecter plusieurs critères de performance spécifiques. Ces deux notions sont développées dans des articles précédents.

La tenue d’un domaine d’activité exige la constitution d’un bagage de compétences spécifiques.Lire la suite

Le management : mission, fonction, métier ? Métier du management et management du métier.

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C’est un débat récurrent dans les formations comme aux sommets des états-majors RH. Il n’est pas innocent : les différentes positions sémantiques déterminent en profondeur les politiques et les modèles de management.
Ces trois notions méritent des définitions préalables à celle du management lui-même, puis à la caractérisation de sa place dans les organisations.

Les sous-titres : 

  • Mission. Définition
  • Fonction. Définition
  • Métier. Définition
  • Synthèse
  • Métier du management et management du métier.
  • Management : de la posture à la maîtrise des activités.
  • Conseil pratique au nouveau manageur
  • Descendre dans la soute
  • Tourisme managérial

Mission. Définition

Elle se rapporte essentiellement à un résultat attendu. En confiant une mission à un acteur on lui donne un but à atteindre, dans un cadre et avec des moyens définis. L’activité qui supporte la mission n’en fait partie que comme un élément constitutif mais n’est pas la mission.

Le missionnaire doit réussir, rapporter, livrer, obtenir, quelque chose. Il existe donc en regard un commanditaire qui lui a assigné la mission.
Il y a des missions ponctuelles qui visent une réalisation unique et des missions pérennes qui visent des réalisations permanentes, récurrentes ou régulières.

Par exemple :

  • la mission d’une activité d’accueil sera de générer des contacts et des accès rapides, précis, sûrs et confortables pour les visiteurs ou les impétrants,
  • la mission d’un chef de projet sera un aboutissement viable, économique et dans les délais de son projet,
  • la mission d’un ouvrier sera une production conforme, fiable, dans des volumes suffisants et dans des impacts de sécurité optimum.

On peut donc, d’un point de vue méthodologique, rapprocher la notion de mission à celle de « critère de performance ».

Fonction. Définition

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